Environ 3 000 dauphins sont maintenus en captivité à travers le monde. La plupart d'entre eux sont des grands dauphins, animaux fascinants dont la captivité, soulignons-le, ne peut être justifiée par des questions de conservation puisque l'espèce n’est pas menacée d’extinction. Comme les autres delphinidés, les grands dauphins sont des animaux capables de parcourir de grandes distances à l’état sauvage. C’est pourquoi les confiner dans de petits bassins est parfaitement inadapté.
Les dauphins de Bruges abandonnés à leur sort par le Code flamand
En Europe, quelque 300 dauphins sont encore enfermés dans une trentaine de delphinariums, dont un situé dans notre pays même : le Boudewijn Seapark, à Bruges, qui abrite aujourd'hui sept dauphins. L'organisation de défense des animaux GAIA demande depuis longtemps sa fermeture. « Ces conditions de vie, très restrictives, empêchent les dauphins d'exprimer les comportements sociaux qu'ils manifestent ordinairement à l’état sauvage », affirme Michel Vandenbosch, président de GAIA.
GAIA souhaite dès lors qu'une solution soit rapidement trouvée pour ces animaux. Mais cela ne sera pas chose aisée car le gouvernement se montre réticent à l’idée de prendre des mesures ambitieuses. Si le nouveau Code flamand du bien-être animal, annoncé par le ministre du Bien-être animal Ben Weyts (N-VA), vise à interdire l'importation et l'élevage de dauphins, il prévoit cependant une exception pour le delphinarium de Bruges. En effet, six dauphins pourront encore y être maintenus à condition que les animaux puissent accéder à un bassin extérieur d'ici le début de l'année 2027. Toutefois, si un examen révèle l'existence d'une alternative viable, telle qu'un sanctuaire marin, le gouvernement sera tenu de l'envisager. Selon la version actuelle du Code flamand, le premier examen n'aurait lieu qu'en 2037… Une éternité pour les dauphins de Bruges.
Un opéra dans une cour minuscule
« La vie d'un dauphin tenu en captivité est infernale », estime le cétologue grec Thodoris Tsimpidis, directeur de l'Archipelagos Institute of Marine Conservation. « Ces animaux utilisent l'écholocation pour s'orienter. Pour scanner leur environnement, Ils émettent constamment des ondes sonores et captent celles qui se réfléchissent. Dans un petit bassin, les dauphins endurent ce qui serait pour nous un grand opéra joué en continu dans une cour minuscule. C’est comme être piégé dans une pièce dont les murs sont recouverts de miroirs, et où il est donc impossible d’échapper à soi-même. »
« Les dauphins en captivité souffrent souvent de la faim, car rassasiés, ils ne veulent plus exécuter leur numéro. Pour obtenir du poisson, ils doivent assurer le spectacle. Toutes les personnes travaillant avec des dauphins à l’état sauvage savent qu’il est nécessaire de libérer les dauphins des bassins exigus des delphinariums pour garantir leur bien-être », ajoute Anastasia Miliou, spécialiste des dauphins au Sanctuaire grec de la vie marine de la mer Égée.
La possibilité d'un transfert dans une baie protégée
Miliou et son mari Tsimpidis ont commencé à suivre le débat autour de la captivité des dauphins il y a 25 ans. Depuis, pratiquement aucun progrès n'a été réalisé. C'est pourquoi ils ont décidé de prendre les choses en main en créant une réserve pour dauphins dans la baie de l'île grecque de Lipsi. L’échancrure, qui peut être fermée par des filets spéciaux, pourrait accueillir environ huit animaux. « Obtenir les permis nécessaires a été un véritable calvaire, mais aujourd’hui, nous sommes pratiquement au point », déclare Miliou avec soulagement.
En septembre, le président de GAIA Michel Vandenbosch a visité la baie de Lipsi en compagnie de la politicienne Els Ampe (ancienne présidente de la Commission du bien-être animal au Parlement flamand). « Ce sanctuaire semble être la solution idéale pour les dauphins de Bruges », explique Michel Vandenbosch. « La Flandre pourrait marquer l'histoire en relâchant ces dauphins dans ce sanctuaire marin. Bien sûr, il faudra travailler dur pour que tout se passe bien car l’expertise dans ce domaine se fait rare. Cela dit, nous avons une confiance totale en l’équipe responsable du projet ainsi qu’en les scientifiques qui se sont lancés dans ce projet avec nous. Ce serait merveilleux si le projet aboutissait. »
Entre désinformation et mauvais arguments
De nombreuses informations erronées continuent d’être diffusées, notamment par les exploitants des delphinariums. Par exemple, certains avancent que les dauphins n’ayant connu que les bassins craindraient la vie en mer, la liberté, les poissons… et même la pluie. « Ce sont des arguments vraiment absurdes », soupire Tsimpidis. « Dans la baie, les animaux seront heureux de pouvoir enfin chasser lorsqu'ils ont faim, sans dépendre du bon vouloir des humains. »
Les responsables du delphinarium de Bruges affirment par ailleurs que la présence des six dauphins serait nécessaire à la préservation de l’unité familiale dans les bassins. Tsimpidis, expert en dauphins, conteste cette idée. Selon lui, l'univers des dauphins est bien trop complexe pour être réduit à des règles aussi simplistes. Il est convaincu que cet argument a été créé de toute pièce pour justifier la captivité des dauphins à Bruges.
Tsimpidis exprime aussi des doutes quant à la construction d'un bassin extérieur pour les dauphins de Bruges en tant que mesure compensatoire. « Ce n'est pas parce que votre cellule de prison est un peu plus grande que vous n'êtes plus en prison », explique-t-il. « Dès la première phase, les animaux disposeront dans la baie d'un volume d'eau 32 fois plus grand qu'à Bruges. Même si c’est encore peu, on ne peut plus parler de prison. »
GAIA ne baisse pas les bras
GAIA garde espoir que les dauphins de Bruges pourront être bientôt transférés dans un sanctuaire marin. Des modifications pourront être inscrites dans le projet du Code flamand du bien-être animal jusqu'au 1er juin 2024. « Nous essaierons d’accélérer le transfert des dauphins dans la baie grecque. Les politiciens sont actuellement en campagne électorale, ce qui pourrait être une bonne chose pour les dauphins, ou une mauvaise. Quoi qu’il en soit, notre engagement pour le bien-être des dauphins reste entier, nous leur devons bien ça après tout », explique Michel Vandenbosch.