Image
Dindes
21 Décembre 2021

Bruxelles, le 21 décembre 2021 - Avec de toutes nouvelles images vidéo, tournées en novembre 2021, GAIA expose une fois de plus l'état sordide des élevages de dindes flamands. Des milliers de dindes entassées, gravement affaiblies, estropiées, blessées et mourantes. Et même des cadavres en état de décomposition avancée. La situation est en fait la même que celle que GAIA a constatée dans trois élevages de dindes en 2019, au moins aussi mauvaise qu'à l'époque. L'élevage intensif de dindes pour la viande est encore complètement déréglé et le respect du bien-être animal est totalement absent. Comment cela est-il possible ? C'est simple : il n'existe pas de normes juridiques spécifiques pour les élevages de dindes. Il est urgent que cela change. "Dans les élevages de dindes que nous avons visités, la situation est si mauvaise qu'ils devraient être fermés", insiste Ann De Greef , la Directrice générale de GAIA.

Notre pays ne dispose toujours pas de législation spécifique pour protéger le bien-être des dindes de chair. Par exemple, aucune limite légale claire n'est fixée concernant la densité d’élevage : un éleveur détermine donc lui-même le nombre de dindes qu'il souhaite entasser dans un poulailler. « Il est pratiquement impossible de serrer encore plus de dindes ensemble, car presque aucun animal ne survivrait et le taux de mortalité est déjà si élevé » souligne Ann De Greef.

« Les conditions épouvantables que notre équipe de recherche a découvertes dans les élevages de dindes visités montrent où mène l’absence de normes concrètes. Mais nous ne pouvons vraiment pas, en toute âme et conscience, nous contenter de normes minimales, avec quelques changements cosmétiques ici et là qui font peu de différence pour le bien-être des dindes », explique-t-elle. GAIA exige donc une réglementation stricte qui placera la barre très haut pour faire une réelle différence et mettre fin aux abus récemment révélés.

Etat des lieux

L'élevage intensif de dindes en Flandre compte actuellement environ 25 exploitations. GAIA a filmé les conditions de vie des dindes de chair dans quatre exploitations (élevage de dindes Casteele de Heuvelland, l'élevage de dindes Lavens de Wervik, un troisième à Lichtervelde et un quatrième à Lendelede). Il est significatif et révélateur que l'élevage de dindes Casteele de Heuvelland appartient au président de l'association flamande des éleveurs de dindes. Les images de son exploitation donnent une idée de l'état des lieux du secteur.

La situation telle que nous l'avons découverte dans les quatre exploitations visitées est terrible

De nombreuses dindes entassées jusqu'au point où aucun animal supplémentaire ne peut être ajouté, une densité d’élevage poussée à l’extrême ; diverses dindes présentant des tissus nécrotiques sur le front et l'arrière-train suite à des coups de bec, des tissus nécrotiques sur l'ischium, le coude et d'autres parties du corps, des dindes présentant des escarres, un plumage fortement souillé (par des excréments) et emmêlé, une région abdominale fortement souillée, diverses carcasses décomposées et non décomposées, des croûtes noires sur la peau nue, par excoriation de contact sur une saillie osseuse, des dindes gravement boiteuses, des oiseaux malades, faibles et moribonds, incapables de se tenir sur leurs pattes dans une litière trempée, souillée d'urine et d’excréments, pourrie, des dindes avec des protubérances osseuses, des oiseaux avec des plaies épidermiques et des tissus sous-cutanés fortement infectés, avec des croûtes gangreneuses sur l'omoplate, des dindes gravement affaiblies incapables d'atteindre l'abreuvoir (mourant de faim et de soif), plusieurs carcasses rongées par un ou plusieurs chats à proximité des bottes (nous avons vu un chat qui a pu accéder aux carcasses et s'en régaler) ; un bassine remplie d'eau sale et dégoûtante, croupie à proximité de l'endroit où une carcasse a été trouvée ; un grand nombre de dindes au bec coupé ; etc. Les dindes vivent dans leurs propres excréments et ceux de leurs congénères, dans des étables surpeuplées, blessées à cause du comportement de picage qui est dû, entre autres, à une hiérarchie perturbée par le nombre excessif d’ animaux entassés. GAIA a observé, comme en 2019, des nécroses épouvantables (peau nécrosée où des blessures par picage ont été infligées) sur la tête et les flancs de nombreuses dindes.

GAIA exige des normes strictes répondant aux besoins comportementaux des dindes

GAIA exige donc des normes légales très strictes pour l'élevage des dindes, qui répondent aux besoins comportementaux naturels des animaux. Les densités d’élevage devraient être beaucoup plus faibles, les animaux devraient pouvoir se déplacer à l'extérieur, les perchoirs devraient être appropriés et en suffisance, l’usage de races à croissance plus lente devraient être rendu obligatoire, la litière devrait être sèche et l'enrichissement suffisant (ballots de paille à picorer).

Scandale répugnant

Comme la race utilisée dans l'élevage intensif des dindes est sélectionnée pour une croissance rapide, les dindes grandissent si vite (les coqs pèsent 170 grammes et atteignent environ 16 kg en 16 semaines) que beaucoup souffrent de boiterie. Ces animaux meurent de faim et de soif car ils ne peuvent plus atteindre l'abreuvoir et la mangeoire. Les oiseaux sont également incapables de nettoyer leur plumage, un besoin vital. "L'élevage intensif actuel de dindes de chair en Flandre est une véritable honte", déclare Ann De Greef. "L'ensemble du système est et reste à ce jour une moquerie dégoûtante de la notion de bien-être animal, pourri de part en part. La situation dans les élevages de dindes flamands est totalement inacceptable. Il est urgent d'adopter des normes juridiques concrètes, réellement strictes et axées sur les animaux, qui protégeront efficacement le bien-être des dindes. Le bien-être des animaux doit être une priorité absolue. Sinon, il vaudrait mieux arrêter et ne plus élever de dindes de chair en Flandre."

Principes de base de la protection et du bien-être des animaux

GAIA exige l'utilisation obligatoire d'une race à croissance plus lente, beaucoup plus d'espace pour les animaux et donc une densité d’élevage beaucoup plus faible et supportable pour les oiseaux, du matériel d'enrichissement adapté aux besoins des dindes (ballots de paille à picorer), des perchoirs, des parcours extérieurs, la lumière du jour et une litière de qualité suffisante. Le vétérinaire François Sivine, qui a analysé les images, parle d'une hygiène générale et d'une qualité de litière déplorables. Il qualifie d’"inouïe" l’"infirmerie" (l'endroit où certains animaux sont gardés en isolement) : la litière qui recouvre le sol est sale et souillée par les excréments et imprégnée d'ammoniac. La morbidité moyenne (taux de maladie) est "excessive". Le vétérinaire Sivine dresse un constat accablant : "Le professionnalisme et la rigueur absolue dans la gestion des installations et de l'hygiène, ainsi que dans le suivi individuel des animaux, sont inexistants. La négation de toute notion de bien-être animal est ici confirmée. Le comportement des responsables des exploitations en question est en tout point contraire aux principes les plus élémentaires de la protection et du bien-être animal."

Et la Wallonie?

Le Gouvernement wallon a récemment adopté en première lecture un projet d’arrêté relatif au bien-être des dindes dans les élevages (le type intensif/industriel n’existe pas ou pas encore en Région wallonne). Or, la ministre wallonne du Bien-Etre Animal, Céline Tellier, et ses collègues ont préféré de ne pas suivre les recommandations des experts du Conseil wallon du Bien-Etre Animal qui proposaient d’assurer une densité dans chaque poulailler de maximum 30 kg/m2 pour les femelles et 36 kg/m2 pour les mâles ce qui correspond à 3 femelles par m2 et 2 mâles par m2. Le projet d’arrêté prévoit 42 kg/m2 pour les femelles (4 par m2 et 48 kg/m2 pour les mâles (3 par m2). "Manifestement, les intérêts de certains lobbies pèsent plus dans la balance que d’assurer un niveau décent de bien-être animal”, remarque Ann De Greef. GAIA, tout comme l’UPWA et la FEFRACAF d’ailleurs, demandent à Céline Tellier et aux autres ministres du Gouvernement wallon d’amender le texte pour le passage en 2ième lecture.